La Vocation, de Sophie Fontanel

Quelque chose se passe. Je quitte ma puberté pour entrer dans une autre dimension. Et je le fais là dans la boutique Dior, avenue Montaigne. Comme par magie, chaque robe pendue à un cintre, il y a moi, femme, à l’intérieur. Je mûris rien qu’à me transporter en imagination dans les tailleurs. C’est cela que les hommes retirent. Le rapport entre l’élégance et la sexualité, je le comprends ce jour-là avenue Montaigne. J’entends un grand appel des sens.

Vous connaissez mon amour pour les robes et les fanfreluches : il était donc évident que ce roman était pour moi un impératif de lecture.

A la fois saga familiale axée sur la question de l’élégance et roman initiatique — comment l’élégance vient aux femmes ? — La vocation fait alterner le passé et le présent.

Au commencement, il y a Méliné, la grand-mère de Sophie, arménienne, qui fuit Istanbul en 1922, une page de Vogue pliée dans sa manche : pour elle, l’élégance est non seulement une politesse, mais aussi un moyen d’intégration dans la France et Paris qui la fait rêver. Au présent, il y a Sophie, qui se retrouve à diriger la mode à Elle et n’est pas au bout de ses surprises.

Il n’y a d’autre religion que l’élégance, et Chanel est son prophète : tel pourrait être le sous-titre de ce roman résolument passionnant.

Ce qui est en jeu, c’est une certaine vision de l’élégance, du style, de l’allure, portée par Méliné et transmise à ses filles puis à Sophie : quelque chose de l’ordre de l’inventivité, de la création, et de la joie, qui s’oppose au « système de la mode » tel que le vit Sophie journaliste et qui rappelle cruellement Le Diable s’habille en Pradaà ceci près que cette fois c’est celle qui est supposée incarner la toute-puissance de la rédactrice mode qui en est la victime.

Sur ce plan-là, c’est assez désenchanté : Sophie Fontanel nous dépeint un univers de la mode qui finalement tue le désir du vêtement au profit de considérations beaucoup moins poétiques, un univers où les filles ne sourient plus sur les photos, ont 15 ans et l’air de s’ennuyer profondément.

L’exact opposé de l’univers joyeux et plein d’amour pour les belles choses de Méliné. C’est donc un peu la chronique d’un divorce annoncé qui nous est narrée ici : celui de Sophie et de ce monde qui n’est pas pour elle, car trop loin de sa manière de voir la mode. Néanmoins, malgré ce désenchantement qui pointe, Sophie Fontanel ne se dépare pas de son don pour l’autodérision, et certaines scènes sont du pur comique jubilatoire.

Un très bon roman, donc : cela fait des années que je n’achète presque plus les magazines de mode, parce que j’en ai marre de voir des sacs d’os de 15 ans faire la gueule sur les photos.

Et à quoi bon, si ces filles (je ne peux même pas dire femmes) non seulement ne me ressemblent pas, mais ne représentent pas ce à quoi j’ai envie de ressembler ? C’est comme si la mode avait un peu fini par perdre son âme. Et c’est ce que raconte ce roman, à la fois éloge et déclaration d’amour à l’élégance, et satire d’un monde devenu aseptisé et uniforme.

Il paraît que certains ne parlent plus à l’auteure, et on peut comprendre pourquoi. Mais pour ma part, je vous conseille vraiment ce roman, hymne au style et à la féminité !

La Vocation (lien affilié)
Sophie FONTANEL
Robert Laffont, 2016

13 commentaires

  1. clara dit :

    j’avais aimé Grandir donc celui-ci me tente.

    J’aime

  2. Mind The Gap dit :

    Un roman sur l’univers de la mode qui m’avait touché mais qui n’a rien à voir: Le fil de soie de Michèle Gazier.
    Je trouve affreux ces défilés, je parle des mannequins qui ressemblent à des squelettes sur pattes enfin pas toujours…
    Au fait ils embauchent pas chez Elle ?? 😀

    J’aime

  3. titine75 dit :

    Si j’avais eu du temps, je l’aurais lu avec plaisir car j’ai toujours apprécié l’humour piquant de Sophie Fontanel. Ça sera pour plus tard.

    Aimé par 1 personne

  4. Mokamilla dit :

    Une auteur que je n’ai jamais lue. Mais ce n’est pas la première fois que je note son nom.

    J’aime

    1. Celui-ci est vraiment une belle réussite !

      Aimé par 1 personne

  5. GentlemanW dit :

    Envie de lire cet ouvrage !

    Merci

    J’aime

  6. Stephie dit :

    Je me doutais que tu aurais aimé plus que moi 🙂

    J’aime

    1. Oui, c’était assez prévisible

      J’aime

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.