Les Promesses, d’Amanda Sthers

Je veux ça. Je veux ça toujours, ce temps suspendu. Je n’ai pas envie qu’on m’enlève cette cache d’espoir que je découvre. Je sais trop comme un jour après l’autre salit les sentiments. Une chose en moi me tire vers une raison permanente. Les amours naissantes ont cette chose magique, certes, c’est peut-être le début des possibles qui me charme plus qu’elle ? Le duplicata de cette émotion que je commence à connaître ne m’habitue pourtant pas à la relativiser. Et je n’en ai pas envie, Laure est spéciale, et elle le restera. Cependant, pour la première fois, je me sens assez fort, assez mature pour la maintenir. Garder cela comme un trésor ; le premier billet de banque que l’on possède enfant et qu’on n’ose pas dépenser malgré l’envie du chocolat dans la vitrine. Il ne nous restera que des pièces. Oh ! ça non ! On se retient. La retenue, voilà une chose délicieuse à faire lorsqu’on est devenu un homme.

Je n’avais pas du tout aimé ma première rencontre littéraire avec Amanda Sthers, malheureusement. C’est donc une autrice que j’avais un peu laissée de côté. Mais je suis dans une période bienveillante, qui me pousse à donner une seconde chance à certains : c’est comme cela que je me suis retrouvée avec Les Promesses dans les mains.

Les promesses, ce sont celles de Sandro, le narrateur. Celles qu’il s’est faites à lui-même : revenant sur sa vie après avoir appris la mort de Laure, il déroule le fil des événements, alternant entre son enfance et sa vie d’adulte, qui l’ont conduit à ne pas vouloir vivre cette histoire, par peur de la gâcher : une histoire d’amour qui reste virtuelle, dans sa potentialité à advenir, dans le vertige des amours naissantes, lorsque tout est encore possible…

La force d’enchantement de ce roman opère des les premières pages, grâce à une langue où affleure parfois la poésie. Sensible, délicat, très sensuel aussi, c’est un roman qui sent bon l’Italie, la jouissance et la mélancolie, et qui s’imprègne d’une très forte intertextualité qui magnifie chaque page.

Sandro, expert et chercheur de livres rares, émet l’hypothèse que chacun cherche son livre, même ceux qui l’ignorent : pour lui, c’est un exemplaire dédicacé par l’auteur du Baron Perché, et qui a disparu le jour de sa mort.

Cette quête est aussi une quête d’identité, qui le conduit aussi à d’autres textes : Orgueil et préjugé, Sandro se reconnaissant dans le personnage de Darcy, ou encore I promessi sposi« les époux promis », que l’on traduit en français par « les fiancés », faisant perdre au titre cette notion de promesse qui est pourtant si importante.

A travers la littérature, c’est l’amour que le texte interroge. Tel Don Juan, Sandro passe sa vie à courir après une ombre qui se dérobe, dans une quête d’amour absolu inatteignable. Alors, il préfère rester avec Laure, au prénom si chargé d’émotion poétique, dans l’inamoramento, l’amour naissant, promesse de bonheur tant qu’il n’est pas réalisé.

Mais peut-on garder une histoire sous cloche en ne la vivant pas, afin de ne pas la gâcher, afin qu’elle reste unique et précieuse ? L’amour meurt-il d’être vécu, ou de ne l’être pas ?

Avec beaucoup de subtilité, Amanda Sthers propose une très belle variation sur le sentiment amoureux, dont il serait dommage de se passer !

Les Promesses (lien affilié)
Amanda STHERS
Grasset, 2015

19 commentaires

  1. Leiloona dit :

    Ah je suis contente que tu aies bravé tes a priori pour renouer avec l’auteur ! Je trouve aussi que ce roman est son plus abouti. 🙂

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    1. Je suis dans une période où je donne pas mal de secondes chances (aux auteurs hein)

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  2. eimelle dit :

    un très joli texte en effet!

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    1. Oui, qui pose beaucoup de questions !

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  3. jostein59 dit :

    Comme toi, j’ai écarté l’auteur après une lecture ratée ( Madeleine, je crois). Mais je sens en celui-ci un petit truc qui m’attire. Ta chronique me le confirme, même si tu avoues ta bienveillance momentanée.

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    1. Ma bienveillance est de repartir de zéro au lieu de rester sur une mauvaise expérience. Après ça peut rater !

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  4. Cette histoire me tente bien, et je n’ai aucun a priori sur l’auteure, ne l’ayant jamais lue!

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  5. Je prends de moins en moins le temps de lire
    C’est affolant
    J’ai des bouquins neufs qui n’attendent que ça 😦
    En tout cas celui ci me tente vraiment beaucoup, et je ne connais pas l’auteure non plus 😉
    http://mademoisellevi.com/

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    1. Alors ce sera une découverte…

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  6. Cecilia dit :

    Féloches pour la Une culture Hellocoton 😉

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  7. Comme toi, je n’avais pas accroché à « Madeleine » mais j’ai aimé « Les promesses » dès les premières pages… Je n’ai pas encore terminé mais je trouve ce texte à la fois original et bien écrit, un plaisir!

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  8. Valérie dit :

    J’ai envie de découvrir sa plume mais j’ai toujours un petit a priori qu’il faudrait que je dépasse.

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    1. Regarde, je ne l’ai pas regretté malgré une mauvaise expérience !

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  9. Géraldine dit :

    Mouais, pas vraiment ce que j’ai envie de lire ces temps ci.

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