Un mot sur Irène, d’Anne Akrich

Un mot sur Irène

Comment suis-je devenue un personnage féministe ? Pourquoi et comment se met-on à aimer les femmes quand on est une femme ? Telles sont les questions auxquelles Léon aura essayé de répondre toute sa vie. Je dirais pour ma part que je suis entrée en femmes comme on entre en religion. Un sacerdoce. La vérité est simple. J’ai longtemps subi les hommes et j’ai fini par leur préférer les femmes. Le malheureux Léon s’est trouvé au coeur même du schisme. A l’intersection. Léon fut la première victime de ma nouvelle vocation : venger mon sexe. Voici donc comment je suis devenue un personnage féministe.

Au cours de mes recherches universitaires, je me suis beaucoup intéressée aux Gender studies (ce qui m’a du reste obligée à lire toute une palanquée d’études en anglais, attendu que cette discipline n’a guère de succès en France). Voilà la première raison de m’intéresser à ce roman, dont le personnage central, Irène, est elle-même chercheuse sur le sujet.

Deuxième raison : une attirance (assez malsaine, peut-être) pour tout ce qui est de l’ordre du scandale sexuel, notamment lorsque cela met en scène des Français, que cela se passe aux Etats-Unis et que cela donne l’occasion à nos chers amis d’outre-Atlantique de s’horrifier des mœurs dissolues des frenchies

Bref : c’est peu de dire que la prestation d’Anne Akrich lors de la présentation de la Rentrée Littéraire Laffont/Julliard avait éveillé mon intérêt.

Il s’agit donc d’un fait divers mâtiné de scandale sexuel : le 26 août 2011, Irène Montès, professeure de Gender Studies à l’EHESS, est retrouvée morte, nue sur le lit de sa chambre d’hôtel new-yorkaise, aux côtés d’une poupée gonflable.

Juste après l’affaire DSK, cela fait beaucoup et les journaux américains s’en donnent à coeur joie sur les mœurs dépravées des Français, d’autant que les circonstances de cette mort sont troubles, ainsi que la personnalité de la victime elle-même, célèbre universitaire féministe, mariée mais entretenant notoirement des relations avec des femmes.

Qui était vraiment Irène ? C’est à travers le point de vue de son mari que nous la découvrons.

Parfaitement maîtrisé, étrange par certains côtés mais porté par un vrai souffle, ce premier roman est une belle découverte de cette rentrée littéraire.

S’inspirant de plusieurs faits divers (pas seulement l’affaire DSK, très évidente, mais aussi la mort de Richard Descoings dont Irène est le pendant féminin, et la folie d’Althusser), Anne Akrich propose une œuvre qui tient à la fois du roman psychologique et du thriller, tout en reprenant la mécanique implacable de la tragédie grecque.

Aucun des personnages de parvient à tirer son épingle du jeu dans le champ de bataille que nous avons sous les yeux. Pourtant Irène veut dire paix, en grec : mais elle est bien au contraire la guerre (des sexes) et le chaos, nouvelle Merteuil dont l’ambition est de venger son sexe, déesse du féminisme et de la haine des hommes. Ouragan qui dévaste tout sur son passage, comme son homonyme a dévasté le nord de l’Amérique en août 2011. 

Sa victime principale ? Son mari, Léon, harcelé, humilié, mené petit à petit aux confins de la folie, qui pourrait émouvoir s’il n’était pas aussi veule et aigri, obsédé par l’idée de son grand roman qui va changer toute la face de la littérature, roman qu’il n’écrit cependant jamais.

Pervers, cruel, ce roman associe la finesse des analyses à un subtil tissage métaphorique et symbolique. Une vraie réussite !

Un mot sur Irène (lien affilié)
Anne AKRICH
Julliard, 2015

14 commentaires

  1. Stephie dit :

    Sa présentation en juin m’avait convaincue. Je le lirai bientôt 🙂

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  2. jostein59 dit :

    En cours de lecture. J’aime son originalité, un peu moins son univers qui pourtant est parfaitement rendu ( même si je devine la fin). Belle maîtrise pour un premier roman ( le projet de Charlotte nous permet effectivement de bien cerner les différences)

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    1. Moi j’ai l’atmosphère, mais je suis totalement décadente comme fille !

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  3. framboise dit :

    uhhhhhh ce billet tentateur !
    Avais déjà noter ce livre, tu renforces ma folle envie de le lire !

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  4. noukette dit :

    Bon. Je l’ai fini il y a peu et je dois avouer que je reste très perplexe…

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  5. Mokamilla dit :

    Pourquoi pas. Je n’en ferai toutefois pas une priorité avec l’autre rentrée (celle dont on ne prononce le nom que du bout des lèvres) approche.

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    1. J’avoue que je n’arrive pas à m’y intéresser, à cette autre rentrée ^^

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      1. Mokamilla dit :

        Tu m’étonnes… 😉

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