Parfois, les mots s’échappent. On voudrait dire la révolte, le chagrin, l’écœurement. Pour ne pas les garder en soi. Parce qu’exprimer ce qu’on ressent, c’est déjà, un peu, être soulagé. On voudrait écrire, et on ne peut pas, parce qu’on ne trouve pas les mots à mettre sur ce que l’on ressent.
Mardi, avec mes élèves de Seconde, nous avons fait notre premier atelier d’écriture avec notre artiste en résidence. Nous avons parlé de l’actualité. Ils ont listé de l’actualité qui les avaient marqués en 2014, et ils ont parfois eu du mal à se souvenir. Nous avons eu un peu de tout, de Mandela à la coupe du monde.
Et puis, M. Leur a fait écrire un petit texte sur ce qui les révoltait. Certaines révoltes étaient touchantes. D’autres révoltantes, comme ces deux gosses qui se scandalisent qu’on accorde aux homosexuels le droit de se marier, parce qu’ils entendent beaucoup de conneries chez eux et que la connerie, malheureusement, ça déteint.
D. se révoltait contre la religion. Et Y se révoltait que des terroristes ne cessent de salir la sienne.
Et puis, mercredi. L’inimaginable, l’infâme. La barbarie. L’après-midi, que j’ai passée à me précipiter sur les infos entre chaque étudiant de classes préparatoires à interroger. La dernière a eu un sujet de circonstances. « Les cons, ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît ».
Pleurer. Vouloir écrire et ne pas pouvoir.
Jeudi. Pleurer encore. Pleurer parce que mes élèves veulent en parler et que je ne peux pas. Je sais que c’est mon rôle, mais je sais aussi que je ne suis pas assez forte pour cela. Pas assez forte. J’aurais besoin de mots, et je n’ai encore que des larmes.
Et puis, vendredi. Enfin les mots reviennent. Écrire, parce que c’est cathartique. Écrire même si, dehors, c’est toujours la peur et la folie, le chaos et la barbarie, même si le monde semble s’écrouler autour de nous. Écrire pour rester debout. Écrire pour ne pas renoncer.
Écrire pour rester vivant. Parce que oui, il faut continuer à vivre. Continuer à rire. Continuer à s’aimer. Continuer à lire. Et continuer à écrire !
Vos mots expliquent si bien cet état de violence interne, de ressenti difficile, cette consternation .
La liberté reste debout.
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La liberté passe avant tout par l’Éducation. Votre rôle est donc essentiel. Bon courage
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il y a des fois où les mots ne peuvent rien dire tellement les émotions sont fortes et au delà de « l’expressible »…. rien ne pourra dire l’horreur ( et le terme est faibl) de ce crime contre l’humanité!
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Mon stylo est encore en deuil. Je n’arrive pas à écrire sur autre chose. En hommage aux victimes, j’ai aussi encouragé mes élèves à prendre leur arme (leur plume) pour écrire le monde tel qu’ils le perçoivent aujourd’hui et tel qu’ils aimeraient qu’il soit. Les réactions sont multiples et annoncent malheureusement, ce à quoi va se heurter la France prochainement. Nos classes sont des mini-sociétés.
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A reblogué ceci sur jean-louis.riguet-librebonimenteuret a ajouté:
Ecrire pour exister !
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Tu écris tout ce que je ne peux pas encore dire… Je me sens comme assomée et ça risque de durer… Tu as raison quand tu dis que la connerie déteint… C’est bien triste mais c’est comme ça…
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Pas le choix , the show must go , on ne changera pas le monde de si tôt
( sinon ça serait déja fait ! ) mais la France s’expose beaucoup…beaucoup..beaucoup
Hier , dans ce magasin cacher, nous avons assisté à une autre forme de terrorisme qui n’a rien à voir avec une coincidence et ce fût une horreur absolue pendant quelques heures !
je crains que ce ne soit pour ce pays le retour d’un épisode monstrueux !
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Yep! Tous à nos stylos!!!
On doit montrer à ces fous qu’on va se battre même si c’est à armes inégales.
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Il faut tenir, expliquer, parler encore et encore ! C’est difficile j’imagine quand on est soi-même secoué, mais c’est ce qui est beau dans ton taf et franchement bravo et bon courage pour tenir et écrire et expliquer, toujours !
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Vivre tout simplement, parce que c’est ce qu’ils auraient voulu que nous fassions pour ne jamais céder face à la barbarie et la peur.
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A reblogué ceci sur rosemondemarchand.wordpress.com gratuitet a ajouté:
Exactement!
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Tres bel article. Un metier pas facile que le tiens ou face a des eleves tu dois parler et mettre des mots sur une barbarie sans nom.
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Ecrire, dessiner, marcher, être debout…. et ensemble.
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Il n’est pas nécessaire d’écrire immédiatement. Pas avant d’avoir réfléchi en tout cas. Ecrire sous le coup brutal de l’émotion ne donne pas de bons résultats, même pas pour les poèmes romantiques …
Bonne soirée.
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