La garde-robe d’une femme morte serait comme le testament de ce qu’elle fut intimement, puisqu’elle témoigne de son goût, et qu’il n’y a peut-être rien de plus révélateur d’une vie intérieure. Toutes ces pièces disaient sa façon de vivre, d’appréhender son existence, le monde et elle-même. Après la mort de Garbo, sa garde-robe était devenue l’ultime corps qui attesterait de ce que fut, vraiment, le premier. Le duplicata de son corps réel – son ombre matérialisée.
Il se trouve que je n’aime pas beaucoup Nelly Kaprièlian comme critique littéraire : ses articles me font souvent bondir, et je les trouve souvent assez peu argumentés. Du reste, je ne l’ai pas trouvée éminemment convaincante lors de son passage à la Grande Librairie. Mais. Son roman me faisait de l’oeil depuis sa parution, en raison de son sujet : comme vous le savez sans doute si vous me lisez régulièrement, la question de la parure féminine a été mon sujet de recherche universitaire, et je suis toujours passionnée par tout ce qui a trait à ce sujet. J’ai donc mis de côté mes a priori et me suis plongée dans ce roman avec toute la bienveillance du monde.
Prenant comme point de départ une vente aux enchères au cours de laquelle elle a acquis un manteau ayant appartenu à Greta Garbo, la narratrice s’interroge sur ce que sa garde-robe peut révéler d’une femme.
Ce point de départ est donc, je trouve, particulièrement intéressant, mais làs, toute la bienveillance du monde ne m’a pas permis de trouver son traitement convaincant. Pour tout dire, je pense que ce texte est ce que j’ai lu de plus mauvais en cette rentrée littéraire, et même ce que j’ai lu de plus mauvais depuis bien longtemps. D’abord parce que l’auteur ne choisit pas son genre : elle aurait pu écrire un essai, mais choisit d’appeler « roman » ce qui est au final un vaste fourre-tout sans réelle trame narrative, dans lequel elle passe du coq à l’âne, de vagues considérations pseudo-psychanalytiques pas toujours bien maîtrisées à des analyses de films, des éléments biographiques et parfois autobiographiques sur ses relations avec les hommes qui ont traversé sa vie ; mais n’est pas Montaigne qui veut, et le style à sauts et à gambades ne sied pas à tout le monde. Cela ne me dérange donc pas quand c’est bien fait, mais là, ça ne l’est pas, car on finit par être complètement perdu, à se demander quel est le sujet, pourquoi elle nous parle de ça, et ça piétine : elle revient plusieurs fois sur la même idée, et cela finit par être lassant. En outre, j’ai trouvé que c’était diablement mal écrit. Chaque auteur a sa marotte, sa figure de rhétorique emblématique : moi c’est l’anaphore et le rythme ternaire ; Nelly Kaprièlian, c’est l’énumération, ce qui donne des passages extrêmement lourds. D’autres phrases sonnent bizarrement, ne serait-ce que la première : Son corps s’était désintégré depuis longtemps et pourtant elle se tenait devant nous, démultipliée en une centaine de vêtements comme autant de secondes peaux qui en avaient épousé les courbes et en réincarnaient la forme jusqu’au trouble. J’ai beau la relire, je ne trouve pas ce qui cloche, mais ça cloche. Et puis ma préférée : Josef von Sternberg érige, via sa poupée Marlene, une érection glamour. Ériger une érection, voilà qui est fort !
Bref. Certaines réflexion sont intéressantes, notamment lorsqu’elle aborde les questions du travestissement, du costume, et du vêtement comme peau (réflexions qui n’ont d’ailleurs pas été sans me rappeler celles de Baudelaire dans « le peintre de la vie moderne »). Mais c’est vraiment trop décousu. Selon moi, ce texte aurait été écrit par un illustre inconnu, il n’aurait jamais trouvé d’éditeur. Et je ne parle même pas de l’ensemble de la critique professionnelle, qui sur ce coup-là me semble manquer curieusement d’objectivité.
Le Manteau de Greta Garbo
Nelly KAPRIÈLIAN
Grasset, 2014
27/30
By Hérisson
ça tombe bien, il ne m’intéressait pas mais là tu viens de me le confirmer.
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En effet, ça tombe bien !
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Je te trouve vraiment sévère, j’ai beaucoup aimé ce livre. Mais je suis d’accord sur le côté fourre-tout et son impossibilité à choisir un genre. Il s’agit effectivement plus d’un essai que d’un roman. Peut-être aurait-elle du mieux choisir son camp.
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Oui, je crois…
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Je l’ai vu à la grande librairie et j’avais apprécié l’auteure
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Disons que j’ai des a priori…
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Je n’apprécie pas non plus la critique, souvent peu juste, et son roman ne me donnait pas vraiment envie, merci de confirmer mes doutes !
C’est vrai qu’il est drôle de voir tous ces journalistes, ou critiques littéraires, qui s’essayent à la littérature, souvent sans avoir de réel talent …
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Parfois ça fonctionne, c’est le cas de Christophe Ono-dit-Biot, mais là c’est loupé…
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Je l’ai vu aussi à la grande librairie et elle ne m’a pas donné du tout envie de le lire… Petit un : à cause du sujet qui ne me branche pas trop et de deux ; je me méfie des livres écrits par les critiques littéraires pour les raisons que tu cites en particulier…
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Moi le sujet m’intéressait vraiment !!!
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Je viens de le refermer mais n’ai pas encore écrit mon billet. Je tombe sur le tien et suis totalement d’accord avec ce que tu en dis. Je ne connaissais pas l’auteure ni d’ailleurs la journaliste, n’écoutant plus le Masque et la Plume, mais le sujet m’intéressait beaucoup. Après les premières pages qui m’ont plus ou moins intéressée, j’ai eu très vite envie d’abandonner tellement j’ai trouvé ça confus, brouillon et lourd. Un premier roman très mal maîtrisé, vraiment!
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j’aime beaucoup ton article…un lecteur averti !
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Merci !
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