Madame Diogène, d’Aurélien Delsaux

madame diogèneMais, recroquevillée dans son terrier, elle se sent parfaitement à l’abri. Rien du monde des hommes ne peut l’y atteindre. Elle sait que la lumière du jour, le bruit (les voitures, les coups), tout finira, bientôt. Les nuages viendront couvrir le ciel d’hiver, le flux des voitures entrant dans la ville tarira, le Gros partira au travail. Elle se sentira à nouveau seule, à nouveau loin ; elle aura vaincu ; elle n’ouvrira jamais.

Le syndrome de Diogène, qui doit son nom au philosophe grec Diogène le cynique, est un trouble du comportement, assez peu connu du reste, qui touche surtout les personnes âgées isolées, les poussant à négliger totalement l’hygiène et à accumuler chez elles toutes sortes d’objets hétéroclites.

C’est ce syndrome qui touche le personnage de ce roman.

Elle n’a plus de nom, ou du moins elle ne s’en souvient pas. Son appartement est devenu un terrier insalubre, sorte de cocon protecteur où s’accumulent les cafards. Elle n’ouvre plus la porte à personne, refuse de parler, et observe le monde par la fenêtre. Mais tout cela incommode les voisins…

Le moins que l’on puisse dire est que cette rentrée littéraire n’est pas placée sous le signe de la joie de vivre, car voilà encore un roman sombre, qui d’entrée de jeu met le lecteur mal à l’aise, le prend à la gorge et aux tripes, le malmène. Dès les premières lignes en effet se met en place une véritable poétique de l’ordure, de la saleté, de la puanteur, qui a quelque chose de très genetien — j’ai beaucoup pensé aux Paravents en lisant ce texte, car on y trouve la même folie, la même horreur, le même rejet. La description reste assez froide, presque clinique, et pourtant, la manière dont elle se déploie ne peut que toucher. L’isolement absolu de cette femme. Le drame qu’elle a sans doute subi pour en arriver là. Le retour à une sorte d’état sauvage, animalisé. La mécanique implacable de la tragédie qui se met en place dans cet espace-temps resserré à l’extrême, angoissant et étouffant. Jusqu’à l’ultime moment.

Un roman fort, brillant, mais qui demande d’avoir le coeur bien accroché !

Lu par Hérisson

Madame Diogène
Aurélien DELSAUX
Albin Michel, 2014

challengerl20147/12
By Hérisson

31 commentaires

  1. Charlotte dit :

    Malheureusement ces dernières années je trouve que les rentrées littéraires sont très rarement joyeuses …
    Je suis dans « On ne voyait que le bonheur » de Delacourt qui, lui non plus, n’est pas placé sous le signe de la joie de vivre 😉

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    1. irreguliere dit :

      Ah ça, c’est peu de le dire !

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  2. paraty62 dit :

    totalement d’accord avec cette avis,voici le mien http://lemondedeparaty62.eklablog.com/-a109116252
    vraiment dérangeant ce livre

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    1. irreguliere dit :

      Oui mais je suis plus positive que toi !

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  3. noukette dit :

    C’est vrai qu’elle est sombre cette rentrée… Mais malgré tout, ce titre me tente…

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    1. irreguliere dit :

      C’est un très bon roman !

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  4. cartonsdemma dit :

    Même sombre, il fait partie de ceux que j’ai envie de lire

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    1. irreguliere dit :

      Il est sombre, mais très bien fait

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  5. estellecalim dit :

    Tout ce que j’ai lu jusqu’à maintenant pour cette rentrée est effectivement peu gai. C’est un peu dommage mais cela reflète sans doute l’état d’esprit de la société.

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    1. Lybertaire dit :

      Les médias n’y sont pas pour rien, n’est-ce pas ? Ce doit être très français en plus, cet état d’esprit.

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      1. irreguliere dit :

        Les romans étrangers n’ont guère l’air plus gais, à vrai dire…

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      2. Guy dit :

        c’est vrai que l’actualité de la société dans ce pays est pourtant réjouissante ? 🙂
        ( alors pourquoi pas s’accrocher et lire l’histoire de cette pathologie ou son contraire ! )
        hélas comme je commence tout juste l’excellentissime  » on ne voyait que le bonheur  » je passe mon tour !
        Cordialement

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    2. irreguliere dit :

      Oui, certainement

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  6. clara dit :

    je ne peux pour le moment à cause du thème…

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    1. irreguliere dit :

      Oui, je comprends

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  7. Lybertaire dit :

    Non je passe, décidément, un sujet trop sensible pour oser m’y frotter !

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    1. irreguliere dit :

      Je comprends tout à fait, chacun a ses limites

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  8. Je viens de l’acquérir.

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  9. ohoceane dit :

    Celui-là, je me le suis noté à lire, le sujet est délicat à manier.

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    1. irreguliere dit :

      Oui, et je trouve qu’il s’en sort bien !

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  10. titoulematou dit :

    tiens tiens !! pourquoi pas !

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    1. irreguliere dit :

      En effet, pourquoi pas ?

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  11. geraldinecoupsdecoeur dit :

    Bon, je profite d’un virus sur mon nouveau PC pour utiliser mon ancien PC.. Et là, mes comm fonctionnent ! Donc je voulais dire que j’ai très envie d’en savoir plus sur ce fameux syndrome que je ne connaissais pas du tout !

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    1. irreguliere dit :

      Ça fait peur !

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  12. Je l’ai lu (mon billet est ici : http://litterauteurs.canalblog.com/archives/2014/09/07/30544485.html)
    Et si je suis d’accord avec toi sur une partie de l’analyse, j’y rajouterai le regard que l’auteur porte sur une société qu’il dit décadente et violente.

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  13. Leiloona dit :

    Ah oui, un coeur bien accroché … j’ai eu du mal, même si je reconnais certains talents à l’auteur … Mais fichtre que cette rentrée est morose !

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    1. irreguliere dit :

      Ah ça c’est sûr

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  14. J’aime le sombre et j’ai le coeur bien accroché! Le sujet m’intrigue beaucoup. Je cours me le procurer!

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    1. Alors avec le coeur bien accroché, cours !

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