Beyrouth, la nuit, de Diane Mazloum

Beyrouth, la nuitOh ! Il se rappelle soudain qu’il y a d’autres personnes juste à côté de lui ; des personnes qui vivent et respirent trois mètres plus bas ou plus haut. Comme c’est étrange… Plus étrange, encore, le moment où il prend conscience que ces êtres humains habitent des cubes de béton empilés les uns sur les autres. Non seulement empilés, mais aussi connectés par un lacis de fils électrique et de tuyaux hydrauliques. Pourtant, ce ne sont que des existences contiguës qui évoluent simultanément sans jamais se croiser. Ou si rarement.

Cela n’aura échappé à personne (à part ceux qui, éventuellement, vivent dans une grotte, mais dans ce cas je doute qu’ils me lisent), la coupe du monde de football vient de commencer. Et, justement, ce roman a pour toile de fond un match de coupe du monde, celle de 2010. Mais ne fuyez pas : ce contexte est surtout symbolique, et il n’est aucunement question de football ici. C’était juste pour la petite histoire.

Un mercredi soir, à Beyrouth. Kamal, Anis, Osman, Olivia, Zafia, Sevine, Marylou, Yves. Tous appartiennent à cette jeunesse dorée libanaise, sexuellement libérée, hyper-connectée mais étrangement isolée et désenchantée. Ils sortent tous les soirs dans des endroits à la mode, vivent leur existence juxtaposée. Et l’amour, dans tout ça ?

Ce petit roman, tout en clair-obscur, ne tient pas tant par sa narration (un fil très ténu) ou par ses personnages (au demeurant aussi peu attachants les uns que les autres, à part Marylou en qui je me suis par moments pas mal reconnue) que par son style, éminemment symbolique et poétique. Les isotopies de l’ombre et de la lumière ne cessent de s’entremêler pour nous brosser un tableau d’une ville secouée par les contradictions, entre la passion du football et les attentats, la pulsion de vie et la pulsion de mort, éros et thanatos. Les personnages, perdus, errent en essayant de se raccrocher à quelque chose, mais n’y parviennent pas toujours. Des moments très purs se donnent à voir, d’une poésie intense, lorsque Marylou ouvre sa mallette de souvenirs d’amour pour en sortir les lettres, les odeurs, les histoires sous forme de chansons, tout un kaléidoscope sensoriel qu’elle doit sacrifier pour aller de l’avant. Des moments de tragédie aussi, et beaucoup d’onirisme.

Bref, un très joli roman, mélancolique et désenchanté, empreint de nostalgie, qui n’a pas été sans me rappeler par moments Jean-Philippe Toussaint. Une jeune auteure à découvrir d’urgence, donc !

Beyrouth, la nuit
Diane MAZLOUM
Stock, 2014

5 commentaires

  1. jostein59 dit :

    La chronique donne envie de découvrir l’auteur. Il me semble n’avoir encore jamais rien lu sur le Liban.

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    1. irreguliere dit :

      C’est vrai que c’est peu courant

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  2. mokamilla dit :

    Un univers qui m’est peu familier mais ce que tu en dis est tentant !

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  3. geraldinecoupsdecoeur dit :

    Tu me tentes bien, du coup ce roman me tente bien ! Je note !

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    1. irreguliere dit :

      C’est un beau roman

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