J’ai découvert mes pouvoirs en tant que femme et je les ai utilisés sans la moindre considération pour les autres.
J’étais curieuse de voir ce film (qui d’une durée initiale de 5h30 a été réduit à deux fois 2 heures) depuis sa sortie, et le battage médiatique qu’elle a suscité.
Il s’agit donc de l’histoire de Joe. Par une froide soirée d’hiver, Seligman la découvre dans une ruelle, vilainement amochée. Comme elle refuse qu’il appelle les secours, il la ramène chez lui, soigne ses blessures et l’interroge sur les raisons pour lesquelles elle affirme être une mauvaise personne. Seligman écoute alors Joe lui raconter sa vie, riche en expériences sexuelles. Le premier volume concerne l’adolescence de Joe.
Tout le film oscille entre le poétique et le sordide, ce qui ne peut que troubler profondément le spectateur, qui ne sait trop à quoi se raccrocher. C’est un aspect sur lequel on n’a pas beaucoup insisté d’ailleurs, l’aspect poétique, mais il y a de vrais beaux moments, avec une métaphore sur la pêche à la ligne, un herbier, l’âme des arbres, et une bande son qui parvient à mêler de manière convaincante Rammstein, Bach et Ravel. Et ce côté poétique ne peut que, bien sûr, renforcer le côté éminemment dérangeant et violent, indéniable même pour moi que l’on ne peut certainement pas qualifier de prude. Dans ce volume, la violence reste néanmoins à un niveau moindre que ce que l’on a pu voir dans les teasers, avec un sadomasochisme cru. Mais ce qui reste dérangeant, c’est cet aspect sordide de la relation sexuelle, vue comme un sport, un concours, une performance, privée de cet « ingrédient secret » qu’est l’amour, que Joe rejette de toutes ses forces : elle est mue par la pulsion, mais une pulsion qui est plus une pulsion de mort qu’une pulsion de vie. Les scènes de sexe sont donc très crues, froides, mécaniques : aucun érotisme même ténu ne s’en dégage, et je dois avouer qu’à certains moments j’ai trouvé cette accumulation aussi ennuyeuse qu’un film porno.
Mais ce n’est, bien évidemment, pas un film pornographique : si la chair y est finalement aussi triste, c’est parce que tel est l’enjeu du film. On assiste de fait à une cure psychanalytique, le lit prêté à Joe par Seligman prenant la place du divan, mais le vieux célibataire assumant le même rôle : celui d’accoucheur de ce qu’il y a au plus profond de l’âme de Joe. Et l’enjeu, c’est le tiraillement entre la jouissance et une culpabilité évidemment judeo-chrétienne. Joe est un être déchiré, troublant, parfois émouvant.
J’ai beaucoup aimé ce film qui, volontairement provocant, permet de poser des questions intéressantes sur la société actuelle. Après, j’aurais du mal à le conseiller vivement, en tout cas pas à tout le monde : il est interdit aux moins de 16 ans, et j’ajouterai déconseillé aux âmes sensibles.
Nymphomaniac
Lars von TRIER
2014
Je ne peux pas résister à l’envie de poster la série de posters représentant les personnages au moment de l’orgasme, que je trouve personnellement très belle…
Je ne vois pas pourquoi la culpabilité serait « évidemment » judéo-chrétienne. Les victimes d’abus sexuels dans l’enfance, entre autres, souffrent d’une culpabilité névrotique qui n’a rien de judéo-chrétien, mais tout d’un réflexe de survie bien compréhensible et à rapprocher du syndrôme de stockholm, par exemple.
Je suis même convaincu que c’est la culpabilité judéo-chrétienne qui est dérivée de la culpabilité névrotique, et non l’inverse. D’autres cultures ont fait le choix de porter l’aggressivité reçue autrement, contre les femmes notamment, de sorte que ça s’auto entretient… Mais c’est une vaste question qui nous entraînerait trop loin.
Bises.
J'aimeJ'aime
Disons que c’est un sentiment qui m’est totalement étranger. Mais là pour le coup, c’est vraiment lié à la notion de péché et de rejet de la chair, donc totalement judeo-chrétien
J'aimeJ'aime
Ping : Le plaisir effacé, de Catherine Malabou : clitoris et pensée – Cultur'elle