L’histoire, c’est deux choses, après tout. Pour qu’elle ait un sens, l’histoire doit se composer à la fois de l’événement et du récit. Si elle ne racontait jamais rien, s’il ne racontait jamais rien, s’ils n’en parlaient jamais entre eux, il n’y avait pas de récit. Et l’acte, même s’il avait eu lieu, était ainsi dénué de sens.
Parce qu’il est convaincu qu’elle le trompe, Gil, un peintre, lit le journal d’Irene, qu’elle tient dans un carnet rouge. Mais elle s’en rend compte, et se met à tenir son vrai journal dans un carnet bleu, qu’elle cache dans un coffre à la banque, tout en continuant à écrire dans le carnet rouge, afin de manipuler Gil.
Ce roman, admirablement construit autour de l’alternance entre les deux carnets et un récit à la troisième personne dont nous apprenons dans les dernières pages qui en est le narrateur, ce roman, donc, est tout simplement glaçant, terrifiant et pour tout dire anxiogène. Ce qui nous est raconté là, c’est la descente aux enfers non d’un couple mais d’une famille, dans laquelle on se demande qui est le plus malsain et détraqué. D’abord il y a Gil, dont l’activité artistique donne lieu à de fascinantes pages sur la peinture, qui est un enjeu essentiel du roman : Gil peint, donc, mais il peint essentiellement sa femme, depuis toujours, et ce qui pourrait être une charmante preuve d’amour (l’épouse comme muse, classique) est l’un des signes d’une volonté de toute puissance et d’emprise totale de Gil sur les siens et sur Irene : emprise totale sur le corps par l’image, emprise totale sur l’âme par la lecture du journal. Pour Gil, Irene doit être transparente, alors qu’elle voudrait pouvoir garder sa part de mystère et à échapper à ce contrôle. Mais Irene elle-même apparaît vite aussi dérangée que son mari, quoique d’une autre manière : alcoolique, dépressive, incapable de mener un projet à bien et surtout pas sa thèse sur Caitlin qui s’enlise, elle ne fait que s’explorer à travers son journal, et rapidement l’alternance entre le bleu (le vrai) et le rouge (qui devient au final presque un roman) vire à la cruauté la plus complète, Irene manipule Gil comme une marionnette dans le but avoué de protéger ses enfants, mais aussi sans doute par pure perversité. Quant aux enfants… eux aussi sont inquiétants, ombres fantomatiques observant la déchéance du couple parental, génies dont on se demande s’il ne sont pas à la limites de l’autisme. Et n’oublions pas les chiens, pourvus d’une intelligence fulgurante, qui essayent de protéger ce qu’il y a à protéger.
Et pourtant, Gil et Irene s’aiment. Mal, car ils se détruisent, mais ils s’aiment, ce qui rend les choses d’autant plus terrifiantes…
Bref, un roman très intense, très profond, nourri de la question de l’identité indienne, dont on ne ressort pas indemne.
Lu par Antigone, Theoma, Cathulu, Clara
Le jeu des ombres
Louise ERDRICH
Albin Michel, 2012 (Livre de poche, 2014)
Voilà un roman qui me semble captivant ! J’aime les romans dans lesquels on trouve un jeu entre différentes voix. 🙂
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Oui, c’est captivant
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Olala, je m’étais promis de ne plus lire Louise Erdrich, déçue par une précédente lecture mais là… Comment résister ?
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Je n’ai rien lu d’autre d’elle
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Wow. Ta description est assez sombre. Je ne sais pas très bien si ça se tente ou pas, finalement ?
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C’est en effet assez sombre
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Je viens de terminer « Dans le silence du vent » et je l’ai aimé. Je lirais bien celui-ci maintenant!
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J’en lirai sans doute d’autre
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Cette histoire de couple a l’air tout aussi captivante que malsaine ! Je ne connais pas Louise Erdrich mais tu me donnes envie de découvrir ce roman ! 🙂
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C’est une belle découverte de mon côté
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un bon souvenir pour moi que ce roman!!!!Je suis en train de lire son dernier: livre ‘ dans le silence du vent » .. J’aime bien pour le moment!
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C’est mon premier !
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Surveillez mon blog… j’y mettrais ce que j’en pense quand j’aurais fini. J’avais tenté de lire » la malédiction des colombes mais je n’ai pas aimé! -( ni fini!!!)
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« La chorale des maîtres bouchers » m’a passionné et « la malédiction des colombes » m’a déçu. Mais Louise Erdrich est talentueuse et mérite d’être suivie. « Le jeu des ombres » est sur ma pile!
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Bonne lecture !
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Maintenant qu’il est en poche, je n’ai plus d’excuse !
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Non, plus aucune
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C’est anxiogène mais très bien fait !! 😉
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Oui, totalement !
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un très grand souvenir de lecture !
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C’est une lecture dont on ne sort pas indemne
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J’avais beaucoup aimer « La Chorale des maître-bouchers » de la même auteure, donc celui-là me tente…
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J’espère qu’il te plaira
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C’est une auteure que je dois découvrir depuis plusieurs années…. Un livre dans ma PAL, qui hélas, se fait toujours doubler… Mais il vaincra !!!
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Bon, je suis définitivement la seule à avoir détesté ce roman… j’aime pourtant Louise Erdrich, que je lis depuis longtemps. Mais celui-ci m’est tombé des mains avant que j’arrive à la moitié. Pourtant, je lis partout des critiques dithyrambiques… peut-être faudrait-il que je retente.
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C’est le premier que je lisais d’elle, et cette histoire m’a passionnée !
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