Pécherais-je vraiment par injustice si je vous disais que c’est votre faute, Philippe Sollers, si ma renommée dans le monde des lettres françaises n’est pas encore faite ? Si, à cause de cette reconnaissance manquée, refusée, littéralement confisquée, je me suis vu contraint de mendier auprès de l’Education nationale un poste non pas déshonorant, mais très au-dessous de ma juste valeur ? Si ma prose, trop étrangère à vos nauséeuses expérimentations (je parle de l’époque où vous pataugiez encore au Seuil) — et davantage encore à vos derniers ouvrages de vulgarisation, triviaux et aussi insipides qu’une tasse de verveine froide — n’a pas trouvé sa place dans votre catalogue ? Aviez-vous jugé mon style trop audacieux ? Trop dérangeant ? Je ne le saurai sans doute jamais. Sûrement pas dans l’air du temps, ça je suis prêt à parier que non, ni assez « germanopratin ».
Le narrateur, persuadé d’être un génie incompris, écrit à Philippe Sollers, qui vient pour la sixième fois de refuser son manuscrit, cette fois accompagnant son refus d’un petit mot manuscrit et de la fiche de lecture, dont le narrateur estime le contenu infamant.
Le narrateur écrit à Sollers, donc, et le moins que l’on puisse dire est qu’il n’y va pas avec le dos de la cuillère. Mise à mort du tyran de l’édition, ce texte est aussi, à bien des égards, une mise à mort du père, celui que l’on a jadis admiré et qu’on abhorre désormais tant il nous a déçu. Très œdipien. Car voilà : notre narrateur, comme beaucoup de jeunes littérateurs, n’imagine pas publier ailleurs que chez Gallimard, temple de la littérature, seule maison d’édition assez prestigieuse pour accueillir sa prose. Jouissivement polémique, ce texte s’attaque donc assez violemment au petit monde de l’édition, accusé preuve à l’appui de ne pas lire les manuscrits et de rester exclusivement germanocentrée et mondaine : accusations classiques, habituelles, et Sollers, « mandarin égocentrique des lettres françaises », prend un peu pour tout le monde, finalement.
Si c’était tout, donc, ce texte serait certes passionnant, mais n’offrirait pas grand chose de nouveau sous le soleil de la rive gauche. Mais voilà : chemin faisant, le narrateur défend son livre point par point, dans une réflexion qui tient à la fois de la glose métalittéraire d’un roman qu’on n’a pas lu (et que franchement on n’a pas vraiment envie de lire) et d’une glorification de l’acte d’écrire. Écrivain raté, le narrateur n’en est pas moins convaincu de son immense talent.
Du coup, le texte se lit à un double niveau, sans doute : à la fois critique du monde de l’édition, sans doute, mais aussi de la manie de tout un chacun de vouloir écrire et se croire un génie. La fin, vertige de mise en abyme à plusieurs degrés, est tout simplement brillante.
Pour ma part, j’espère que Philippe Sollers a de l’humour, ou que les éditions Nil ont de bons avocats…
Tyrannicide
Giulio MINGHINI
Nil, 2013
Lu aussi par Asphodèle
11/12
By Hérisson
Sacrée conclusion !
J’aimeJ’aime
N’est-ce pas ^^
J’aimeJ’aime
un ouvrage qui doit être bien intéressant par son style, je le garde dnas un coin de la tête ce titre !
J’aimeJ’aime
Il est vraiment très intéressant, oui !
J’aimeJ’aime
très tentant ! Je note. Bises et bonnes vacances
J’aimeJ’aime
Bonnes vacances !
J’aimeJ’aime
J’ai attendu d’avoir écrit mon propre billet pour te lire et je me retrouve dans ton billet. C’est un texte surprenant et comme toi je me demandes ce que va en penser Sollers. Ton billet est vraiment excellent et tu as une bien belle plume.
J’aimeJ’aime
Merci !
J’aimeJ’aime
à l’occasion, je n’en fais pas une priorité..
J’aimeJ’aime
En même temps, il est très vite lu !
J’aimeJ’aime
Ce livre m’intrigue, on verra s’il croise mon chemin. Comme Clara, je n’en fais pas une priorité.
J’aimeJ’aime
A voir alors…
J’aimeJ’aime
Heu… Germanocentrée, c’est comme dans le billet précédent non ?!!!
POurquoi pas, en plus, cette collection se lit vite !
J’aimeJ’aime
Exactement !
J’aimeJ’aime
J’ai adoré cette lecture à plusieurs niveaux ! 😀
J’aimeJ’aime
Oui, c’est vraiment très riche en peu de pages !
J’aimeJ’aime