J’appartiens à un monde disparu — et je vis et me conduis au-delà de cette appartenance. C’est probablement le cas pour tout un chacun. La question, c’est l’importance et la rémanence matérielle d’un tel objet, parfaitement incongru, parfaitement nutile, dans le parcours personnel.
C’est un des ouvrages de la rentrée littéraire que je voulais impérativement lire. François Bon, je le connais pour avoir suivi il y a un peu plus d’un an un atelier d’écriture qu’il animait, atelier que j’avais vraiment énormément apprécié et qui m’avait, en quelque sorte, « débloquée ». Plus pour l’écriture du détail d’ailleurs que pour celle du roman : certains des articles dont vous avez été nombreux à me dire que vous les aimiez viennent directement de ce que m’a inspiré cet atelier. Mais bref, là n’est pas la question : j’avais envie donc de découvrir d’un peu plus près ce qu’écrit François Bon.
Ce qu’il nous propose ici, c’est une autobiographie, à travers les objets qui ont fait son enfance et son adolescence, jusqu’à son entrée en écriture. Objets infimes, objets du quotidien, objets incongrus ou symboliques. La corde en nylon qu’il avait achetée avec ses premiers sous. Un miroir. Un appareil radio Telefunken. Une succession de machines à écrire, avant le premier ordinateur. Et, bien sûr, les livres…
J’ai été totalement conquise par ce texte, qui aborde la question autobiographique d’une manière originale et pourtant totalement évidente : les objets, dans une certaine mesure, nous font, et à travers eux on a accès aux bribes d’existence qui en disent souvent long. L’oeuvre se fait proustienne, et c’est, finalement, toute une série de petites madeleines qu’énumère François Bon : objets du quotidien, pas forcément les plus précieux ni les plus a priori fondateurs, objets hétéroclites, objets générationnels souvent. De cet inventaire se dégage souvent une certaine nostalgie, parce que le monde a changé, mais aussi une vraie gaité et une vraie jouissance. Touchant, émouvant, amusant, il s’agit bien sûr d’un texte très personnel, et pourtant, il est aussi très universel, et le lecteur, je pense, ne peut que s’y retrouver : moi-même, qui ne suis pas de la même génération (François Bon a exactement l’âge de mes parents), je n’ai pu m’empêcher de rêver sur certains objets, qui m’ont rappelé des souvenirs. Je n’ai pas pu m’empêcher, non plus, de penser aux objets qui pourraient peupler ma propre autobiographie des objets (un peu comme dans ma série Things I want to remember). Il va sans dire que les chapitres qui m’ont le plus parlé sont ceux traitant de l’écrit : les machines à écrire (je me demande si ma vieille Olivetti portable est toujours dans le grenier, et à cela personne ne peut me répondre, il faudrait que je cherche ; par contre, ma machine à écrire « jouet », je suis presque sûre que non ; mon premier ordinateur, un Atari ST, est là, je le sais), les livres, les dymos… et aussi, de très belles pages sur la myopie comme manière particulière de voir le monde.
Un très très beau texte donc, que je vous conseille absolument !
Autobiographie des objets
François BON
Seuil, 2012
By Hérisson
J’ai pas mal entendu François Bon dans des émissions littéraires de cette rentrée et lu plusieurs articles qui ne m’ont pas donné envie de le lire. Je voyais plutôt son livre comme une sorte de description has been, genre visite de musée personnel qui n’intéresse que lui. Tu me donnerais presque envie d’essayer…
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C’est de l’autobiographie donc ça reste personnel, par contre ce n’est pas has been du tout, et je pense que cela peut vraiment parler à beaucoup !
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Bon, il va bien falloir que je le lise, après « Parfums » que je suis en train de lire sans déplaisir mais sans trop grand intérêt non plus, entre deux documentaires pour l’arrivée du bébé. Contrairement à lui, qui n’a pas l’air d’aimer la nostalgie des brocantes (cf sa rencontre sur mon blog), j’ai toujours eu une préférence pour les maisons et les objets qui avaient déjà vécu, les meubles anciens dénichés chez des antiquaires ou des brocanteurs. Ce qui est assez singulier, c’est de pouvoir écrire sur ce thème alors qu’il est un adepte de la révolution du livre électronique et des nouvelles technologies.
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Oui, c’est vrai que cela peut sembler assez paradoxal, mais je pense qu’il a su trouver son équilibre !
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Un joli billet, qui fait passer cet ouvrage dans la catégorie des « Pourquoi pas… ».
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Chouette !
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Il me tentait bien et ton article me convainc encore plus !
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Alors j’en suis ravie !
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Tu me tentes avec cet article! Cela me fait penser à « Parfums », qui aborde également la question du souvenir, de l’enfance, mais à travers des parfums.
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Voilà le genre de bouquins tout à fait à mon goût, Philippe Claudel avec son Parfums a fait un peu le même genre d’exercice mais avec des odeurs… Et comme mes souvenirs sont souvent très olfactifs il devrait bien me convenir aussi. Les objets et les parfums sont des « aide mémoire » et ils ramènent, à la seconde, des souvenirs enfouis au loin :0)
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Claudel est justement dans ma PAL !
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Je ne connaissais pas ce monsieur mais ton billet donne envie de changer ça !
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Il gagne à être connu (littérairement et humainement aussi, d’ailleurs)
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Sujet très intéressant, tout comme votre blog, que je viens de découvrir !
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Merci, bienvenue !
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