Tout ce que j’ai connu dans ma vie, les grands et les petits événements, le stress et les tensions, suffirait largement à remplir une demi-douzaine d’existences. – Héléna Rubinstein
C’est grâce à un partenariat spécial entre BOB et les éditions Grasset que j’ai eu l’occasion de découvrir cette biographie d’Héléna Rubinstein, écrite par Michèle Fitoussi, éditorialiste à ELLE, que j’avais eu l’occasion de rencontrer il y a quelques années de cela, lors de la remise du grand prix des lectrices du fameux magazine, en 2000, et que j’avais trouvée fort agréable et intéressante. Bref, vous commencez à me connaître un petit peu, et vous savez que tout ce qui concerne la mode, la beauté, le style me passionne. Mais, si je connais la vie de Coco Chanel à peu près par coeur pour avoir lu nombre de biographies et vu plusieurs films, je ne connaissais pas du tout Héléna Rubinstein, dont je ne suis même pas sûre d’avoir utilisé un produit un jour. Et je l’ai découverte avec beaucoup de plaisir et d’intérêt.
Il s’agit donc d’une biographie, mais qui pourrait tout à fait être un roman, tant la vie de cette femme est étonnante et riche. Née à Kazimierz, faubourg juif de Cracovie, en 1872, elle part dans la vie sans beaucoup d’atouts : femme, juive, et pauvre. Mais elle est dotée d’un sacré caractère, et elle dit non au destin tout tracé qu’on veut lui imposer : se marier, faire des enfants, s’occuper de sa maison. Elle se veut libre, et à l’âge de 24 ans, elle s’exile en Australie. Les débuts sont difficiles, mais grâce à son courage et à son obstination, à son amour du challenge, elle conquiert peu à peu le monde, et invente l’esthétique moderne, « l’impératrice de la beauté » comme la surnommait Jean Cocteau. Et à travers cette vie d’Héléna Rubinstein, c’est aussi près d’un siècle d’histoire mondiale et d’histoire des femmes, d’histoire de l’art, d’histoire de la mode qui nous est donnée à voir. Héléna Rubinstein a vécu deux conflits mondiaux, a assisté (et participé) à l’émancipation progressive des femmes, et a rencontré les artistes les plus importants de son époque : Proust, Colette (cliente assidue de son salon parisien), Hemingway, Joyce, Brancusi, Matisse, Picasso, Dali, Frida Khalo… elle a aussi été l’amie et la cliente des grands noms de la mode : Poiret, Chanel, Dior… On ne peut qu’être subjugué par ce destin hors du commun.
A la lecture, je n’ai pu m’empêcher de la comparer avec Chanel, avec qui elle s’entendait d’ailleurs très bien, car les similitudes sont nombreuses : elles sont toutes deux parties de rien, nées dans un milieu pauvre comme par une erreur d’aiguillage, car dès le départ elles ont un certain sens du luxe. Toutes deux ont l’art d’accommoder l’histoire et de construire elles-mêmes leur légende, en mentant sur leur passé. Toutes deux ont un caractère dominateur et autoritaire, voire rebelle. Toutes deux étaient des « monstres sacrés ». Toute deux ont refusé le destin d’une femme à leur époque. Aucune des deux n’a réellement été heureuse dans sa vie privée.
Car c’est là, de fait, que le bât blesse dans le destin d’Héléna Rubinstein : au final, elle ne nous paraît pas particulièrement sympathique. Pas antipathique non plus, simplement trop « dure ». Elle ne sait pas aimer, et si sa vie professionnelle et mondaine est une réussite éclatante, sa vie personnelle en revanche n’est guère brillante. Et lorsque j’ai refermé le livre et que je me suis posé la question « a-t-elle été heureuse », j’ai eu envie de répondre « non ».
En tout cas, je remercie vivement BOB et les éditions Grasset pour ce très agréable moment passé en compagnie de celle qui a inventé la beauté.
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